Céline Regnard
NOTE DE RECHERCHE : LA MIGRATION « SYRIENNE »1 EN SES LIEUX DE TRANSIT (ANNÉES 1880–1914) – LE TRANSIT AU CŒUR DE L’HISTOIRE DES MIGRATIONS
RESEARCH NOTE: TRANSIT POINTS IN “SYRIAN”2 MIGRATION (1880–1914) – TRANSIT AT THE HEART OF MIGRATION HISTORY
French Abstract
La recherche présentée ici vise à compléter les connaissances actuelles sur la migration syrienne entre le Liban et les Etats-Unis à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. En particulier, elle propose de porter l’accent sur les phases de transit entre deux étapes du voyage dans des villes françaises (Marseille, Le Havre) et Américaines (New York). Dans une perspective comparatiste, l’accent est porté sur le développement d’une économie du transit, sur les diverses formes d’accueil dans ces villes et bien sûr sur les risques encourus par les migrants lors de ces séjours. Mais le questionnement s’élargit plus généralement à l’idée de la construction de savoir-faire individuels, familiaux ou collectifs face à ces risques.
English Abstract
The research presented here complements current knowledge about "Syrian" migration between Lebanon and the United States in the late-nineteenth and early-twentieth centuries. In particular, it focuses on transit cities in the journey to the US: two are French (Marseille and Le Havre) and one is American (New York). Using a comparative approach, the research examines the development of an economy of passage, the reception of immigrants in these cities, and the risks incurred by migrants during these transitory stays. More generally, this research explores how individuals and families build collective knowledge in the face of such risks.
La recherche que je mène propose un changement de regard sur l’histoire des migrations en France et aux États-Unis. Alors que, depuis plusieurs décennies, les historiens mettent l’accent sur les circulations à l’échelle de la planète,3 notamment à partir du XIXe siècle - époque à laquelle les moyens de communication de plus en plus rapides provoquent une accélération des mobilités matérielles, humaines et culturelles et une impression de rétrécissement de l’espace planétaire—les migrations sont encore aujourd’hui très largement étudiées dans ces deux pays sous l’angle de l’installation et de l’intégration. Certes, aux États-Unis, la question de l’ethnicité a été davantage travaillée et a permis d’interroger le mythe du melting pot en soulignant la complexité des appartenances identitaires.4 En France cette interrogation est naissante. La question du transnationalisme, bien que critiquée, est désormais au cœur de la majeure partie des travaux des deux côtés de l’Atlantique.5 Mais, quoi qu’il en soit, et tout en faisant usage de ces nouveaux concepts, les phases étudiées dans les migrations sont majoritairement les départs et leurs causes, les installations et leurs modalités, les retours et leurs conséquences. On s’interroge peu sur les phases de voyage et de transit qui font pourtant pleinement partie du processus de circulation et de l’expérience du migrant, voire qui en constitue des étapes fondatrices pour la suite de sa trajectoire dans la mesure où elles permettent de créer des liens (sociaux, économiques, culturels), de se constituer une première expérience en pays étranger, d’appliquer des savoir-faire de la migration transmis par d’autres.6 Quelques travaux ont tenté d’emprunter cette voie, notamment en ce qui concerne les réfugiés politiques, chez lesquels le transit, lié à l’exil, est consécutif de leur trajectoire migratoire.7 Mais cela reste une approche minoritaire. Une des causes est sans doute la difficulté de trouver des sources pour documenter cette histoire, mais je prétends qu’il s’agit également d’un prisme historiographique duquel nous devons nous départir.
MARSEILLE ET NEW YORK PORTS DE TRANSIT
Travaillant depuis une quinzaine d’année sur l’histoire de Marseille, j’ai, moi aussi, mis du temps à envisager ce port non seulement comme une ville d’installation, mais également comme un point de départ et donc une ville de transit. Les archives sont pourtant abondantes (notamment celles du Commissariat de l’émigration des ports et des chemins de fer) et elles montrent qu’à partir des années 1860 et jusqu’à la Première Guerre mondiale, Marseille, premier port méditerranéen, voit passer des dizaines de milliers d’Italiens, de Libanais et d’autres nationalités, en escale entre Méditerranée et Atlantique. Cette réalité, pourtant très peu mise en avant dans les travaux sur la ville, m’a semblée digne d’intérêt dans la mesure où elle crée une économie de l’hôtellerie, de la restauration, et des commerces spécifiquement dédiés à ces migrant en transit qui, eux aussi, font partie de la société marseillaise même s’ils ne font qu’y passer. M’interrogeant sur les conséquences en termes sociaux, urbains, économiques ou culturels, j’en suis venue à tenter de formuler une réflexion générale sur les conséquences du transit migratoire dans les villes portuaires du point de vue socio-économique bien sûr, mais aussi du point de vue urbain et du maintien de l’ordre et enfin du point de vue des migrants eux- mêmes. En quoi le transit portait-il à conséquence sur leur parcours ?
Pour répondre à cette question j’ai décidé de procéder par comparaison afin d’interroger les spécificités marseillaises ou, au contraire, de dégager des traits communs, des caractéristiques intrinsèques en quelque sorte, du transit migratoire dans les ports d’étape.8 En me documentant sur l’historiographie de New York, j’ai alors constaté que les similitudes avec Marseille étaient frappantes. La porte d’entrée des Etats-Unis était majoritairement étudiée elle aussi comme une ville d’installation, cette réalité venant par ailleurs nourrir un discours sur le cosmopolitisme de la ville et, par-delà, de la nation américaine. Seules quelques études soulignaient que New York était aussi un port de départ et, à tout le moins, une ville de transit pour ceux—nombreux—qui ne s’y installaient pas mais partaient vers le reste du pays.9 La comparaison entre Marseille et New York—différentes par la taille mais similaires dans cette fonction de redistribution des populations—m’a parue à même de m’aider à résoudre cette interrogation sur les conséquences du transit sur les villes où il se produit et sur les hommes et les femmes qui le vivent.
Mes premières publications sur ce sujet m’ont amenée à affiner ma réflexion : Marseille est un port qui joue un rôle de carrefour mais qui n’est que très peu une porte d’entrée pour la France—du moins avant l’explosion des migrations en provenance d’Afrique dans la seconde moitié du XXe siècle—New York en revanche est bien une porte d’entrée pour les États-Unis, la fonction de redistribution vers d’autres États, si elle existe, est moins importante. Pour autant, ces premières réflexions ont aussi montré que la comparaison reste stimulante, notamment quant à la question du contrôle policier ou sanitaire des migrants, des risques qu’ils encourent lorsqu’ils se logent ou cherchent à acheter un billet, ou encore du point de vue de leur expérience de la ville.
LES TRANSITS DES SYRIENS
Cette proposition historiographique a progressivement trouvé à s’incarner dans l’examen d’une population qui fait l’expérience du transit dans les deux ports étudiés : la migration libanaise à la fin du XIXe siècle. Les archives appellent aussi Syriens, notamment en France, ces populations parties de la Grande Syrie à partir des années 1880 pour émigrer massivement vers l’Amérique latine et l’Amérique du Nord. C’est la terminologie que je retiendrai ici. En raison de la position privilégiée de Marseille en Méditerranée, de l’existence de liens commerciaux anciens avec cette région de l’Empire ottoman (notamment les Echelles du Levant) et du développement spectaculaire du port commercial de Marseille, la ville est en effet le principal hub par lequel les Syriens font escale en Europe avant de repartir, soit de la ville elle-même, soit d’un autre port français. On estime qu’environ 20 000 Syriens transitent par Marseille dans les années 1910, ce qui, pour une ville qui compte à peine 500 000 habitants à l’époque, est relativement conséquent. De l’autre côté de l’Atlantique, l’histoire de l’immigration syrienne dans le pays est relativement bien connue, grâce à de nombreuses études, dont la première a d’ailleurs été publiée dans les années 1920.10 L’étape marseillaise y est parfois évoquée, tout comme l’étape New Yorkaise d’ailleurs, sans pour autant que celles-ci fassent l’objet de développements approfondis.
Parallèlement, mes recherches sur les quartiers de transit à New York m’ont conduite à m’intéresser non seulement à The Battery, lieu d’installation de la première station d’immigration, Castle Garden, mais aussi au First Ward de Manhattan, dont on peut remarquer, en étudiant les recensements, qu’il est peuplé, à partir des années 1890, par une colonie de Syriens. Les travaux de Linda K. Jacobs montrent qu’ils sont un peu plus d’un millier à New York, dont la majorité à Manhattan,11 alors qu’ils sont un peu moins de 100 000 aux États-Unis avant la Première Guerre mondiale, ce qui indique une dissémination importante de cette migration sur le territoire étatsunien et invite à poser la question des conditions de l’arrivée et du transit à New York. Par ailleurs, les études soulignent que les Syriens sont une communauté mobile, faisant de nombreux allers-retours entre leur région d’origine et les États-Unis, dans lesquels ils se meuvent d’autant plus facilement qu’ils ont une inclination pour les professions itinérantes, dont celle de colporteur. Ma réflexion peut donc se résumer de la sorte : entre les années 1880 et 1914, en quoi la migration syrienne se présente-t-elle sous la forme d’un continuum de déplacements incluant des passages par des ports de transit, dont Marseille et New York, mais aussi Beyrouth, Le Havre, Bordeaux, et que se passe-t-il en ces lieux ? Par ailleurs, en quoi l’expérience des transits et du voyage est-elle, pour les Syriens, une partie intégrante de la migration : une étape utile, une phase difficile, un apprentissage, etc.?
Dans le cadre de cette vaste interrogation, mon séjour au Moïse A. Khayrallah Center for Lebanese Studies à l’Université d’État de Caroline du Nord à l’automne 2017 m’a permis d’approfondir certaines pistes de recherche par les archives, notamment les archives familiales et les entretiens, mais aussi les travaux scientifiques qui y sont conservés. J’évoquerai ici trois aspects principaux.
DÉPART ET TRANSIT À MARSEILLE
Le premier a trait au voyage vers Marseille et plus généralement au transit en France. Bien qu’il s’agisse au premier abord du point le plus avancé de mes recherches à l’heure actuelle, en raison de ma proximité avec les archives des Bouches-du-Rhône, j’ai pu compléter ma documentation et approfondir mes questionnements. En particulier, le témoignage autobiographique d’Abraham M. Rihbany, mais aussi les mémoires de la famille Kassab, le roman d’Ameen Rihani ou encore l’étude de Louise Seymour Houghton sont riches en indications instructives.12 En ce qui concerne le départ, et en particulier de la région du Mont Liban, le rôle des agents d’émigration et des intermédiaires à Beyrouth apparaît déterminant. Les agents d’émigration, vêtus à l’occidentale, arpentent les villages en véhiculant le mythe de la réussite outre-Atlantique, tout en vendant des tickets des compagnies maritimes. Ils officient également à Beyrouth, ainsi qu’un certain nombre d’intermédiaires aidant les candidats au départ à obtenir leur passeport (teskara ou teskere), moyennant en général le paiement d’une somme supplémentaire pour faciliter ces formalités dans un contexte où La Porte ne souhaite pas encourager cette émigration officiellement interdite jusqu'en 1896.
Le voyage en Méditerranée en lui-même est documenté par des témoignages et des sources qui montrent que l’expérience de la mer est souvent nouvelle et éprouvante pour certains migrants : le mal de mer mais aussi les vols de nourriture ou de bagages pendant la traversée sont une réalité. En écho, la presse syrienne éditée aux États-Unis, comme Kawkab America, publie des articles conseillant les lecteurs sur les techniques et médicaments pour lutter contre le mal de mer ainsi que des témoignages de migrants racontant leur voyage, distillant au passage quelques conseils pour éviter les escrocs.13
La documentation consultée a permis de confirmer que Marseille est une ville qui présente de nombreux dangers, dont le principal est celui de se faire escroquer dans l’achat du ticket pour traverser l’Atlantique ou dans le choix d’un hôtel hors de prix, mais surtout d’apprendre que les émigrants peuvent être au fait de ces risques lorsqu’ils sont en correspondance avec des parents ou connaissances partis avant eux ou lorsqu’ils lisent la presse syrienne éditée aux États-Unis. C’est donc moins sur les dangers de Marseille que sur la mise en place d’un habitus migratoire ou d’une expérience migratoire que cette documentation m’a renseignée. Par cette circulation de l’information, qui s’appuie aussi sur les témoignages de ceux qui rentrent périodiquement au pays, il y aurait un apprentissage du danger que représente le transit à Marseille. De ce fait, je m’interroge depuis sur les temporalités et sur la nécessité d’inclure d’autres espaces dans mon étude : les escroqueries sont-elles plus fréquentes à Marseille dans les années 1880 et 1890 que dans les années 1900 et 1910 ? Changent-elles de nature pour s’adapter aux connaissance et tactiques des migrants ? Que se passe-t-il à Beyrouth, à Paris, au Havre, à Bordeaux ? D’autres recherches me permettront d’en savoir davantage.
Enfin, en ce qui concerne ce premier point, l’arrivée à Marseille est considérée par Rihbany comme le premier contact avec l’Occident, sentiment d’arrivée dans un nouveau monde qui s’accomplit, dans son récit, à New York. Ce point de vue est particulièrement intéressant pour moi, et fait écho à la documentation que j’ai pu réunir par ailleurs sur la pratique consistant à se vêtir à l’occidentale et à acheter pour cela des vêtements à Marseille. Le transit à Marseille est une expérience nouvelle, une sorte de préparation au passage d’Ellis Island, et donc une étape mise à profit dans le cadre du projet migratoire. Cette idée se retrouve chez Rihani qui, dans une métaphore religieuse, compare le voyage à un chemin de croix vers l’Occident dont Beyrouth, Marseille et Ellis Island à New York seraient les stations : “The voyage to America is the Dolorosa of the emigrant; and the Port of Beirut, the verminous hostelries of Marseilles, the Island of Ellis in New York, are the three stations thereof. And if your hopes are not crucified at the third and last station, you pass into the Paradise of your dreams. . .”14 Il faudra bien entendu interroger le rôle d’Ellis Island comme espace de transit à New York dans des recherches à venir.
TRANSIT À NEW YORK, CIRCULATIONS
Une des parties faibles de ma documentation jusqu’à mon séjour au centre Moïse A. Khayrallah était le passage à New York. Si je savais, en théorie, que Manhattan était la porte d’entrée principale des Syriens sur le sol américain, j’ignorais, en pratique, comment ce transit s’effectuait. La consultation des travaux publiés par les chercheurs du centre, de thèses de doctorat, mais également d’études d’époque, telles que celle de Lucius Hopkins Miller ou du Trinity Church Men’s Committee, sur le quartier syrien de Manhattan, complétée par la lecture de l’ouvrage du Dr. Abdou, Travels in America, ou encore d’archives telles que celles de la Syrian Society of the City of New York, m’a permis de renseigner un certain nombre de points.15 Les dangers qui guettent les migrants une fois arrivés à Manhattan sont nombreux et à peu près les mêmes qu’à Marseille : les pisteurs (runners) cherchent à les acheminer vers les gares de la ville en les escroquant au passage, ou à les guider vers des hôtels hors de prix pour lesquels ils travaillent. L’étude du Trinity Church Men’s Committee avance qu’il s’agit d’une économie organisée. Je rajoute : comme à Marseille. A ce titre, l’ouverture d’Ellis Island en 1892 n’a pas totalement réglé le problème même si le fonctionnement de la station permet à certains migrants de débarquer munis d’un billet de chemin de fer. Mais les dangers sont encore nombreux lors de cet ultime trajet, comme le souligne Rihbany. Et la protection policière est insuffisante, comme le dénonce l’étude du Trinity Church Men’s Committee. Les archives de la Syrian Society of the City of New York, comparables à celles d’autres sociétés de bienfaisance envers les migrants (Italiens, Gallois etc.) renseignent les activités d’entraide déployées envers les nouveaux arrivants mais permettent aussi d’en mesurer les limites : elles ne concernent qu’un peu plus d’un millier par an.
Quartier de transit, Manhattan l’est aussi dans le sens des retours, que ceux-ci soient saisonniers et donc temporaires, ou définitifs. Le passage dans les restaurants, les commerces, les agences d’émigration, voire chez des compatriotes pour se loger n’est donc pas l’apanage des nouveaux arrivants. Mais les émigrants repartant semblent un peu plus aguerris. Ils disposent d’agences spécialisées dont les encarts publicitaires paraissent dans les journaux, comme Kawkab America ou figurent dans le livre du Docteur Abdou. Ils sont également moins vulnérables aux diverses escroqueries qui les guettent ne serait-ce que par leur connaissance des lieux et de la langue. On retrouve ici l’idée d’expérience de la migration suggérée par l’étude du Trinity Church Men’s Committee.
Le quartier syrien de Manhattan étant implanté à proximité immédiate de Barge Office, il est relativement aisé pour les nouveaux arrivants de s’y rendre. Washington Street en constitue l’artère principale et le poumon économique, comme le confirment les adresses des commerces syriens renseignées dans l’ouvrage du Dr. Abdou. J’avais préalablement consulté des listes de passagers syriens déclarant pour un tiers d’entre eux environ comme lieu de résidence et contact une adresse et un compatriote logé dans cette rue à Manhattan. En lisant les études de Miller et du comité de la Trinity Church, mais aussi la thèse de Garrett, j’ai compris qu’il s’agissait en réalité souvent de l’adresse d’un ou de plusieurs individus ayant réussi dans les affaires qui fournit son nom, son adresse, souvent un premier point de chute dans le quartier sous la forme d’une sous-location chez des compatriotes ou dans une arrière-boutique, mais aussi un premier emploi comme colporteur, voire un crédit pour financer les premiers achats de marchandises.16 Ainsi, se tisse à Manhattan un réseau social et économique qui fonctionne comme un réseau d’accueil à New York mais aussi comme la tête de pont de nombreux petits commerces et fournisseur de colporteurs partout aux États-Unis. Depuis, j’ai pu compléter cette piste des réseaux commerciaux en collectant des informations sur les commerçants syriens installés à Paris et à Marseille qui jouent, eux aussi, le rôle de fournisseurs et de créanciers de cette diaspora fortement impliquée dans le commerce à l’échelle mondiale. Il sera possible, à terme, de relier la cartographie déjà effectuée par les documentalistes du centre du quartier syrien de Manhattan aux déclarations des passagers pour étudier les modalités de leur passage à New York puis leurs lieux d’installation aux États Unis. Établies à partir des recensements, les études des chercheurs du centre Moïse A. Khayrallah sont en effet très complètes sur ce point.
UN CONTINUUM MIGRATOIRE
Le troisième aspect de ma recherche qui a progressé au cours de mon séjour concerne la migration syrienne de façon plus globale. Tout d’abord, et bien que l’idée d’un continuum migratoire se soit imposée à moi depuis longtemps, notamment parce que la notion de chaîne migratoire est bien connue des historiens, j’y ai trouvé des manifestations concrètes des liens qui unissent les émigrants de la diaspora à leur pays. Comme l’ont montré les travaux d’Akram Khater,17 l’émigration porte à conséquence sur le pays de départ. Les envois d’argent au pays, mais aussi le rôle des migrants de retour sont fondamentaux sur ce point. Les retranscriptions d’entretiens et récits familiaux conservés au centre Moïse A. Khayrallah, notamment en ce qui concerne la famille Kassab ou la famille Saleeby, montrent l’importance des correspondances dans les familles.18 Elles permettent non seulement de maintenir des liens mais aussi de transmettre des informations (adresses utiles, mises en garde contre les escrocs, conseils) qui font partie d’une expérience migratoire que je cherche à cerner. La presse ou les publications destinées à la diaspora jouent un rôle similaire en informant les émigrés aux États-Unis et, par ricochet, leurs familles ou proches au pays.
Ensuite, la lecture de publications d’époque sur la question de la « race syrienne » et sur leurs caractéristiques ethniques m’a conduite à m’interroger sur le regard porté sur cette population.19 J’ai été étonnée de voir que, aux États-Unis, les Syriens sont l’objet d’un regard globalement positif, bien que stéréotypé : ils sont bien perçus car ils sont chrétiens, sont considérés comme des blancs, sont censés posséder un sens inné du commerce et des affaires, ne boivent pas, ont le sens de la famille, n’ont pas de tendances criminelles avérées, bref, parce qu’ils semblent pouvoir se conformer à un certain nombre d’attentes de la société américaine. Le mythe du colporteur qui gravit progressivement les échelles de la société américaine semble encouragé par cette littérature, à tel point qu’il en vient à occulter les autres activités professionnelles (telles que le travail ouvrier) qui existent pourtant, comme cherchent à le montrer les chercheurs du centre, notamment à travers la monographie de Lawrence, Massachussetts. La thèse de Garrett, consultée au centre, permet aussi de nuancer cette idée en montrant que l’angoisse sanitaire est bien présente aux États-Unis, de même que les préjugés orientalistes.20 Mais, d’une façon générale, cela me paraît quand même en contradiction avec le regard dont ils sont l’objet en France. Les archives que j’ai pu consulter à Marseille et à Paris (Archives nationales et Archives du ministère des Affaires étrangères) montrent que les autorités se méfient des Orientaux en général et les Syriens dans le cas présent. Considérés comme malpropres et vecteurs de maladies, ils sont aussi soupçonnés d’être les individus retors, prêts à tout pour gagner de l’argent. Peu de points positifs sont relevés à leur égard, et les autorités semblent se féliciter qu’ils ne s’installent que peu en France. Cela me semble une piste à creuser en rapport avec la question du transit. Autrement dit, en quoi ce regard porté sur ces migrants vient-il ou non influencer les politiques de contrôle et/ou d’encadrement de ces populations dans les moments critiques que représentent ces phases de transit ?
Cette recherche, qui n’omettra pas les aspects généraux sur la migration syrienne à la fin du XIXe siècle, peu connue en France parce qu’elle n’y fait que passer, sera donc centrée sur le rôle des temps et des espaces de transit sur la migration et réciproquement sur les conséquences de ce passage humain et l’établissement de ces réseaux sur les espaces urbains concernés. Les dépouillements d’archives à venir viendront peut-être confirmer ou infirmer des hypothèses que mon séjour au centre Moïse A. Khayrallah a fait émerger ou progresser.
The research I am conducting proposes a change in perspective on the history of migration in France and the United States. Despite that historians have focused on global circulation for the last few decades21 (especially from the nineteenth century onward, when increasingly rapid means of communication has led to an acceleration in material, human, and cultural mobility and the impression of a shrinking global space), migration is still widely studied in these two countries from the perspective of settlement and integration. Admittedly, historians in the United States have been working on the question of ethnicity and posed challenges to the “melting pot” myth by highlighting the complexity of identity belonging.22 In France, however, this subject is only just emerging. The question of transnationalism, while criticized, is now at the heart of much of the research on both sides of the Atlantic.23 Although researchers are making use of these new concepts, the most commonly studied aspects of migration concern departures and their causes, settlements and their modalities, and returns and their consequences. The travel and transit phases, though rarely studied,24 are an integral part of the migrant’s circulation process and experience. Moreover, these aspects represent the founding stages for what happens next in their trajectory insofar as they create links (social, economic, cultural), underpin the migrant’s initial experience in a foreign country, and allow others to benefit from the migration knowledge they acquired. While some studies have attempted to adopt this approach, particularly with regard to political refugees where exile-related transit is a consequence of their migration trajectory,25 they remain very much in the minority. Undoubtedly, one reason for this is the difficulty of finding sources to document this history, but I maintain that it is also due to the fact we have been working within a historiographical prism that we need to move away from.
THE TRANSIT PORTS OF MARSEILLE AND NEW YORK
Having worked on the history of Marseille for roughly fifteen years, I have spent time contemplating this port not just as a city of settlement but, also, because it was a point of departure, as a city of transit. There is a wealth of archives (most notably those from the Commissariat de l'Émigration des Ports et des Chemins de Fer), which show that, from the 1860s until the First World War, this principal Mediterranean port saw tens of thousands of Italians, Lebanese, and other nationalities pass through on their way from the Mediterranean to the Atlantic. While this phenomenon has received very little attention in the literature on Marseille, I find it worthy of interest. Not only did this phenomenon create an economy of hotels, restaurants, and shops that specifically targeted migrants in transit, but as they passed through the port, migrants became part of Marseille society. Reflecting on the associated social, urban, economic, and cultural issues, I have come to formulate a general observation on the consequences of migratory transit in port cities, not just from the socioeconomic, urban, and law enforcement points of view, but also from the perspective of the migrants themselves. What impact did the transit have on their experiences?
To answer this question, I decided to adopt a comparative approach in order to examine the specificities of Marseille or, rather, to identify the common features (the intrinsic characteristics, as it were) of migratory transit in ports of call.26 My research on the history of New York revealed striking similarities with that of Marseille. I found that scholars of this gateway to the United States also typically study New York as a city of settlement. Moreover, this phenomenon has fueled a discourse on the city’s cosmopolitanism and, beyond that, the cosmopolitanism of the American nation. Only a small number of studies have highlighted the fact that New York, too, served not just as a port of departure but also (and at the very least) as a transit city for the many migrants who travelled beyond the city to settle in other parts of the United States.27 Although different in size at the time, Marseille and New York had a similar population redistribution function. This similarity suggested that a comparative study would help resolve this question on the consequences of transit in the cities in which it occurred and on the men and women who experienced it.
My early publications on this subject have led me to refine my thinking on the matter. Marseille was a port that primarily served as a crossroads. In terms of acting as a gateway to France, its role was very minor (at least until the explosion of migrations from Africa in the second half of the twentieth century). New York, on the other hand, was very much a gateway to the United States, while its redistribution function towards other countries (if it existed at all) was less important. These initial reflections have also shown, however, that this remains a promising comparison, particularly with regard to the policing and health control of migrants, the risks they ran when seeking accommodation or trying to buy a ticket, and their experience of the city in question.
THE SYRIANS’ TRANSITS
This historiographical proposal has gradually taken shape in the form of a study of a population that experienced transit in both ports, namely the Lebanese migrants at the end of the nineteenth century. These populations, who left Greater Syria en masse in the 1880s to emigrate to Latin and North America, are also called Syrians in the archives (especially in France), which is the terminology I will use here. Because of Marseille’s privileged position in the Mediterranean, its ancient commercial links with this area of the Ottoman Empire (most notably the ports of the Levant), and its spectacular development as a commercial port, it served as the main European hub for these Syrian migrants before they departed again, either from the city itself or for another French port. Estimates suggest that around 20,000 Syrians passed through Marseille in the 1910s, which, for a city of barely 500,000 inhabitants at the time, was a relatively substantial number. On the other side of the Atlantic, the history of Syrian immigration to the United States is relatively well-known thanks to numerous studies, the first of which was published in the 1920s.28 While scholars sometimes mentioned the stopover in Marseille in these studies, just as the stopover in New York is elsewhere, they have not been not the subject of any in-depth analysis.
My research on New York’s transit districts led me to focus not only on the Battery (the site of the first immigration station, Castle Garden), but also on the First Ward of Manhattan, which censuses show was populated by a Syrian colony from the 1890s onwards. Jacobs’s studies indicate that there were just over 1,000 Syrians in New York, the majority of whom lived in Manhattan.29 The fact that there were just under 100,000 Syrians recorded in the United States prior to the First World War suggests that their migration had spread significantly across the country and invites us to examine the migrants’ conditions of arrival and transit in New York. Moreover, the literature revealed that Syrians were a mobile community, making numerous return trips between their regions of origin and the United States, where their propensity for itinerant professions, including peddling, facilitated mobility. My reflections can therefore be summarized by the following two questions. How was Syrian migration between 1880 and 1914 presented as a continuum of movements incorporating passages through transit ports (which included Beirut, Le Havre, and Bordeaux, as well as Marseille and New York), and what happened in these places? Furthermore, in what way was the travel and transit experience an integral part of migration for the Syrians—was it a useful stage, a difficult phase, a learning process, etc.?
Within the context of this broad inquiry, my stay at the Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies at North Carolina State University in the fall of 2017 allowed me to delve more deeply into certain research avenues through access to their family archives, interviews, and demographic studies. I will outline three principal aspects here.
DEPARTURE AND TRANSIT IN MARSEILLE
The first concerns the voyage to Marseille and transit within France more generally. Although, on the face of it, this is currently the most advanced point of my research because of my proximity to the Bouches-du-Rhône archives, the resources at the Moise A. Khayrallah Center nevertheless allowed me to supplement my documentation and further develop my investigations. Particularly rich sources of instructive data included Rihbany’s autobiographic account, the Kassab family’s memoirs, Rihani’s novel, and Seymour Houghton’s study.30 With regard to departure, particularly from the Mount Lebanon region, the role of emigration agents and intermediaries in Beirut appears to have been decisive. Dressed in western clothes, the emigration agents would travel from village to village, disseminating the myth of success across the Atlantic and selling tickets from shipping companies. Together with a number of intermediaries, they would also operate in Beirut, helping aspiring emigrants to obtain passports (teskara or teskere), usually with payment of an additional sum since the Ottoman Empire did not wish to encourage such emigration which was officially forbidden until 1896.
Eyewitness accounts document the voyage across the Mediterranean and show that the experience of the sea was often a new and trying one for the migrants. Seasickness plus food and luggage thefts during the crossing were often a reality. Reflecting this, the Syrian press in the United States (such as Kawkab America) published migrants’ accounts of their journeys, articles advising readers on techniques and medicines to combat seasickness, and a few tips, in passing, on how to avoid crooks.31
The documentation I consulted confirmed that Marseille was a city that presented many dangers, the foremost being swindled into buying a ticket to cross the Atlantic and steered into choosing an extortionately priced hotel. More importantly, however, the documentation taught me that the emigrants could learn about these risks through their correspondence with relatives or acquaintances who had left before them or by reading the Syrian press published in the United States. This documentation therefore revealed more about the establishment of a migratory habitus, or a migratory experience, than it did about the dangers of Marseille. It seemed that this circulation of information, which was also based on the accounts of those who periodically returned to the country, served as a learning process for migrants concerning the potential dangers that transit in Marseille presented. As a result, I have since reflected on temporalities and the need to include other spaces in my study. Were such scams in Marseille more frequent in the 1880s and 1890s than they were in the 1900s and 1910s? Did their nature change to adapt to the migrants’ knowledge and tactics? What was happening in Beirut, Paris, Le Havre, and Bordeaux? Further research will allow me to learn more with regard to these questions.
Finally, with regard to this first point, Rihbany considered the arrival in Marseille to be the first contact with the West. It conveyed the feeling of being in a new world, which would, according to him, be fully realized on arrival in New York. This point of view is particularly interesting. It echoes the documentation that I have been able to gather from elsewhere on the practice of wearing Western dress and of buying Western-style clothes in Marseille. Transit in Marseille was a new experience, a kind of preparation for the passage through the Ellis Island immigration station in New York and thus a useful stage of the migration plan. Rihani’s religious metaphor echoes this idea and compares the voyage towards the West to the Stations of the Cross, where Beirut, Marseille, and Ellis Island represent the stations: “The voyage to America is the Dolorosa of the emigrant; and the Port of Beirut, the verminous hostelries of Marseille, the Island of Ellis, are the three stations thereof. And if your hopes are not crucified at the third and last station, you pass into the Paradise of your dreams.”32 Future research would have to include an examination of Ellis Island’s role as a transit space in New York.
TRANSIT IN NEW YORK AND MIGRANT CIRCULATIONS
Prior to my stay at the Moise A. Khayrallah Center, the passage through New York represented only a small part of my documentation. While I knew, in theory, that Manhattan was the main Syrian gateway onto American soil, I did not know, in practice, how this transit had played out. At the Center, I was able to gather information from studies published by its researchers and from the doctoral theses and contemporary studies (such as those of Lucius Hopkins Miller and the Trinity Church Men’s Committee) on the Syrian quarter of Manhattan. This research was supplemented by reading Dr. Abdou’s Travels in America and archives such as those of the Syrian Society of the City of
New York.33 Syrian migrants faced many dangers on their arrival in Manhattan, many of which were similar to those found in Marseille. For example, runners would try to escort them to the city’s stations, swindling them en route, or they would try to steer them towards the exorbitantly priced hotels that they worked for. The Trinity Church Men’s Committee study suggests this was an organized economy, as it was in Marseille. In this respect, the opening of Ellis Island in 1892 did not completely solve the problem, even though the way in which the station operated did allow some migrants to disembark with a railway ticket. However, the migrants still faced many dangers on this final journey, as Rihbany points out, and police protection was inadequate, as indicated in the Trinity Church Men’s Committee study. The Syrian Society of the City of New York archives, which were comparable to those of other migrant welfare societies (Italian, Welsh, etc.), provide information on the support services that were available for new arrivals. They also allow us to gauge the limitations of these services, which were only capable of assisting just over 1,000 immigrants per year.
Manhattan was also a transit district in the sense of returns, whether seasonal (and therefore temporary) or permanent. The frequenting of restaurants, shops, and emigration agencies, and the use of compatriots’ homes as accommodation, was not therefore the prerogative of the new arrivals. However, these return emigrants seemed a little more inured. They had access to specialized agencies, who distributed advertisements inside newspapers, such as Kawkab America, or between the pages of Dr. Abdou’s Travels in America. They were also less vulnerable to the various swindles that lay in wait for them because of their knowledge of the places and language. This was the migration experience suggested by the Trinity Church Men’s Committee study.
Since Manhattan’s Syrian quarter was located in the immediate vicinity of the Barge Office, it was relatively easy for new arrivals to locate. Washington Street was Manhattan’s main artery and economic lung, as confirmed by the addresses of Syrian businesses listed in Abdou’s book. Prior to my visit to the Center, I consulted the Syrian passenger lists, which showed that about a third of them declared their place of residence and contact to be an address of a compatriot living on this street in Manhattan. My examinations of Miller’s study, the Trinity Church Men’s Committee’s study, and Garrett’s thesis revealed that the addresses given to immigration officials often belonged to individuals who had succeeded in business and who would provide migrants with their name and address. These successful individuals often provided migrants with their first place to stay in the neighborhood (either as a sublet or in their shop’s stockroom), their first job as a peddler, and even credit to fund their initial purchases.34 Hence, in Manhattan, migrants wove a social and economic network that functioned as both a reception network and a bridgehead for many small businesses and peddler suppliers throughout the United States. Since my visit to the Center, I have been able to complement this research on commercial networks by collecting information on the Syrian shopkeepers who settled in Paris and Marseille. They also played the role of supplier and creditor to this diaspora that had such a strong trading presence around the globe. Ultimately, it will be possible to link the cartography already drawn up by those researching Manhattan’s Syrian quarter to the passengers’ declarations in order to study how they came to New York and where they settled in the United States. The census-based studies made by the Center’s researchers are very comprehensive on this point.
A MIGRATION CONTINUUM
The third aspect of my research that progressed during my stay concerns Syrian migration more globally. First, although I have pondered the idea of a migration continuum for a long time (not least because the chain migration notion is well-known to historians), my research at the Center revealed concrete manifestations of the links that unite diaspora emigrants with their countries of origin. As Khater’s studies35 have shown, emigration carries consequences for the country of departure. Sending money back a migrant’s country of origin and the role of returning migrants are fundamental in this respect. The interview transcriptions and family accounts held at the Center, particularly those of the Kassab and Saleeby families, show the importance of correspondence within families.36 These letters allowed them to not only maintain links with one another, but also to transmit information like useful addresses, warnings against swindlers, and advice, which is part of the migration experience that I seek to identify. The diaspora press and publications played a similar role by providing emigrants to the United States and, in turn, their families and friends at home with information.
My reading of contemporary publications on the subject of the “Syrian race” and its ethnic characteristics have also led me to examine the way in which this population was viewed.37 I was surprised to see that, in the United States, Syrians were generally regarded rather positively, albeit somewhat stereotypically. They were respected because they were Christians, considered white, were thought to have an innate sense of trade and business, did not drink, had a sense of family, and had no proven criminal tendencies, in short, because they seemed to be able to conform to a number of American societal expectations. The myth of the peddler gradually rising up the social ladder of American society seems to have been so prolific that it overshadowed all the other professional activities that existed, like manual labor. Researchers at the Center are seeking to shed light on these other professions with a project on Lawrence, Massachusetts. Garrett’s thesis, which I consulted at the Center, has also allowed me to qualify this idea by showing that health anxiety, as well as Asian prejudices, were nevertheless present in the United States.38 Generally, though, this seems to contradict the way in which the Syrians were viewed in France. The archives I have been able to consult in Marseille and Paris (National Archives and the Ministry of Foreign Affairs archives) show that the authorities distrusted Asians in general and, in the present case, Syrians specifically. Considered dirty and carriers of disease, they were also suspected of being wily individuals, ready to do anything for money. There were few positive points to note about Syrians in these archives, and the authorities seemed to welcome the fact that they only settled in France for a short time. This seems to be an area worth exploring in relation to the transit issue. In other words, how did this view of Syrian migrants influence control and/or supervision policies relating to these populations during the critical times represented by these transit phases?
This research will also include general aspects of Syrian migration at the end of the nineteenth century since scholars in France have conducted very little research since the migrants were only passing through the country. Additional research will focus on the role of transit times and spaces in migration and, conversely, on the consequences of this human passage and the establishment of networks in urban spaces. Future archival research will perhaps serve to confirm or refute the hypotheses that have emerged or been advanced resulting of my stay at the Moise A. Khayrallah Center.
NOTES
Le mot “syrien” désigne les personnes et la région que nous connaissons aujourd'hui comme le Liban, la Syrie, la Jordanie, la Palestine/Israël.↩︎
The word "Syrian" refers to the people and region we know today as Lebanon, Syria, Jordan, Palestine/Israel.↩︎
Jan Lucassen and Leo Lucassen Leo, eds., Migration, Migration History: Old Paradigms and New Perspectives, (Bern, Peter Lang, 1997).↩︎
Nathan Glazer and Daniel P. Moynihan, Beyond the Melting Pot: The Negros, Puerto Ricans, Jews, Italians, and Irish of New York City (Cambridge: Massachusetts Institute of Technology Press, 1963).↩︎
Nancy L. Green and Roger Waldinger, eds., A Century of Transnationalism: Immigrants and their Homeland Connections (Champaign: University of Illinois Press, 2016).↩︎
À l’exception de quelques travaux sur l’Allemagne: Michael Just, Ost-und südosteuropäische Amerikawanderung 1881–1914: Transitprobleme in Deutschland und Aufnahme in den Vereinigten Staaten (Stuttgart: F. Steiner, 1988). Voir Nancy L. Green, «Trans-frontières : pour une analyse des lieux de passage, » Socio-anthropologie, no. 6 (1999).↩︎
Delphine Diaz, Jeanne Moisand, Romy Sánchez, et Juan Luis Simal (dir.), Exils entre les deux mondes. Migrations et espaces politiques atlantiques au XIXe siècle (Bécherel: Les Perséides, 2015).↩︎
Nancy L. Green, Repenser les migrations (Paris: PUF, 2002).↩︎
Joseph P. Ferrie, Yankeys Now: Immigrants in the Antebellum United States, 1840–1860 (New York: Oxford University Press, 1999).↩︎
Philip. K. Hitti, The Syrians in America (New York: George H. Doran Company, 1924); Alixa Naff, Becoming American: The Early Arab Immigrant Experience (Carbondale: Southern Illinois University Press, 1985); Akram Fouad Khater, Inventing Home: Emigration, Gender, and the Middle Class in Lebanon, 1870–1920 (Berkeley: University of California Press, 2002); Sarah Gualtieri, Between Arab and White: Race and Ethnicity in the Early Syrian American Diaspora (Berkeley: University of California Press, 2009).↩︎
Linda K. Jacobs, Strangers in the West: The Syrian Colony of New York City, 1880–1900 (New York : Kalimah Press, 2015).↩︎
Abraham Mitrie Rihbany, A Far Journey: An Autobiography (Boston and New York: Houghton Mifflin Company, 1914); Ameen Fares Rihani, The Book of Khalid (New York: Dodd, Mead and Company, 1911); Louise Seymour Houghton, « The Syrians in the United States, » The Survey, 26 (New York: Survey Associates, Charity Organization of New York, 1911); Wadea Kassab, “Memoirs of Wadea Kassab,” Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, accessed May 2018, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/13966.↩︎
A.J. Arbeely, N.J. Arbeely, and Arteen Effendi Petrakian, Kawkab Amirka, كوكب أمريكا, no. 11, 15 July 1892, Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/11526.↩︎
Rihani, The Book of Khalid, 29.↩︎
A Social Survey of the Washington Street District of NY City, instituted and conducted by the Trinity Church men’s committee, October 1914; Nagib Abdou, Dr. Abdou’s Travels in America (New York: 1907); The Syrian Society of the City of New York Collection, Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive.↩︎
Lucius Hopkins Miller, A Study of the Syrian Population of Greater New York (New York: 1904); Bryan A. Garrett, « Otherness and Belonging in « Democratic Empires » : The Syrian Diaspora and Transatlantic Discourses of Identity, 1890s- 1930s » (PhD diss., University of Texas at Arlington, 2016).↩︎
Khater, Inventing Home; Akram Fouad Khater, « Becoming « Syrian » in America : A Global Geography of Ethnicity and Nation », Diaspora, 14, 2/3 (2005): 299–331.↩︎
Akram Khater, Callie R. Saleeby Stanley, and Robert Rouphail, “Callie Saleeby Transcript,” Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/1099.↩︎
William Isaac Cole, Immigrant Races in Massachusetts: The Syrians (The Massachusetts Department of Education, Division of Education of Aliens, 1920); William Paul Dillingham, Dictionary of Races of Peoples, Reports of the Immigration Commission (Washington, DC: Government Printing Office, 1911).↩︎
Garrett, « Otherness and Belonging. »↩︎
Jan Lucassen and Leo Lucassen Leo, eds., Migration, Migration History: Old Paradigms and New Perspectives, (Bern, Peter Lang, 1997).↩︎
Nathan Glazer and Daniel P. Moynihan, Beyond the Melting Pot: The Negros, Puerto Ricans, Jews, Italians, and Irish of New York City (Cambridge: Massachusetts Institute of Technology Press, 1963).↩︎
Nancy L. Green and Roger Waldinger, eds., A Century of Transnationalism: Immigrants and their Homeland Connections (Champaign: University of Illinois Press, 2016).↩︎
With the exception of a few works on Germany: Michael Just, Ost- und südosteuropäische Amerikawanderung, 1881–1914: Transitprobleme in Deutschland und Aufnahme in den Vereinigten Staaten (Stuttgart: F. Steiner, 1988). See Nancy L. Green, “Trans-frontières: Pour une analyse des lieux de passage,” Socio-anthropologie, no. 6 (1999).↩︎
Delphine Diaz, Jeanne Moisand, Romy Sánchez and Juan Luis Simal, eds., Exils entre les deux mondes: Migrations et espaces politiques atlantiques au XIXe siècle (Mordelles: Les Perséides, 2015).↩︎
Nancy L. Green, Repenser les migrations (Paris: PUF, 2002).↩︎
Joseph P. Ferrie, Yankeys Now: Immigrants in the Antebellum United States, 1840–1860 (New York: Oxford University Press, 1999).↩︎
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Linda K. Jacobs, Strangers in the West: The Syrian Colony of New York City, 1880–1900 (New York: Kalimah Press, 2015).↩︎
Abraham Mitrie Rihbany, A Far Journey: An Autobiography (Boston and New York, Houghton Mifflin Company, 1914); Ameen Fares Rihani, The Book of Khalid (New York: Dodd, Mead and Company, 1911); Louise Seymour Houghton, “The Syrians in the United States,” The Survey, vol. 26 (New York: Survey Associates, Charity Organization of New York, 1911); Wadea Kassab, “Memoirs of Wadea Kassab,” Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, accessed May 2018, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/13966.↩︎
A.J. Arbeely, N.J. Arbeely, and Arteen Effendi Petrakian, Kawkab Amirka, كوكب أمريكا, 1, no. 11, Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/11526.↩︎
Rihani, The Book of Khalid, 29.↩︎
A Social Survey of the Washington Street District of NY City, instituted and conducted by the Trinity Church Men’s Committee, October 1914; Nagib Abdou, Dr. Abdou’s Travels in America (New York: 1907); The Syrian Society of the City of New York Collection, Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive.↩︎
Lucius Hopkins Miller, A Study of the Syrian Population of Greater New York (New York: 1904); Bryan A. Garrett, “Otherness and Belonging in ‘Democratic Empires’: The Syrian Diaspora and Transatlantic Discourses of Identity, 1890s–1930s” (PhD diss., University of Texas at Arlington, 2016).↩︎
Akram Fouad Khater, Inventing Home; Akram Fouad Khater, “Becoming ‘Syrian’ in America: A Global Geography of Ethnicity and Nation,” Diaspora 14, 2/3 (2005): 299–331.↩︎
Akram Khater, Callie R. Saleeby Stanley, and Robert Rouphail, “Callie Saleeby Transcript,” Moise A. Khayrallah Center for Lebanese Diaspora Studies Archive, http://lebanesestudies.omeka.chass.ncsu.edu/items/show/1099.↩︎
William Isaac Cole, Immigrant Races in Massachusetts: The Syrians (The Massachusetts Department of Education, Division of Education of Aliens, 1920); William Paul Dillingham, Dictionary of Races or Peoples, Reports of the Immigration Commission (Washington, DC: Government Printing Office, 1911).↩︎
Garrett, “Otherness and Belonging.”↩︎